Remplacer les graisses d’origine animale par des oméga-6 ne semble pas être une bonne idée !
La recommandation de substituer les graisses d’origine animale riches en acides gras saturés (AGS) par des huiles végétales riches en acides gras polyinsaturés (AGPI) a pour objectif de
diminuer le risque de maladie cardiovasculaire (MCV). Cependant dans la catégorie des AGPI, oméga-3 et oméga-6 semblent avoir des effets divergents. Lorsqu’on s’intéresse spécifiquement
aux oméga-6, qui sont les AGPI alimentaires (de loin) les plus répandus, on manque de preuves sur leur utilité dans la prévention des MCV.
L’objectif de cette étude est d’évaluer les conséquences du remplacement des AGS par des oméga-6 (sans une augmentation concomitante des oméga-3) sur la mortalité cardiovasculaire.
Pour ce faire, les auteurs ont repris les données de la Sydney Diet Heart Study (SDHS), un essai randomisé et contrôlé publié en 1978. Il avait concerné 458 hommes, âgés de 30 à 59 ans
et victimes d’un syndrome coronarien aigu récent, qui avaient été invités soit à poursuivre leur habitudes alimentaires (groupe contrôle) soit à augmenter leurs apports en oméga-6 tout en
diminuant ceux en AGS (groupe oméga-6). L’apport en oméga-6 était assuré par de l’huile ou de la margarine de carthame (75 % d’oméga-6 et 0 % d’oméga-3).
A l’époque cette étude avait montré une tendance vers une augmentation de la mortalité toute cause confondue dans le groupe oméga-6, mais aucune donnée sur la mortalité cardiovasculaire n’était
disponible. L’objectif, en 2013, est donc, grâce à des méthodes statistiques plus modernes, de remettre à jour les résultats de 1978 en y incluant les données sur la mortalité cardiovasculaire.
Les caractéristiques de base étaient identiques chez les patients des 2 groupes à l’entrée de l’étude. Comparé au groupe contrôle, le risque cumulé à 5 ans de mortalité cardiovasculaire,
coronarienne ou toute cause confondue est apparu augmenté d’environ 70 % dans le groupe oméga-6 (hazard ratio [HR] respectifs de 1,70, p=0,037 ; 1.74, p=0,036 ; 1,62, p=0,051).
Ces résultats importants ont permis la mise à jour d’une méta-analyse récente sur le sujet (Ramsden E.R, BJN 2010) sans pour autant réussir à en modifier la conclusion. A savoir que la
substitution d’AGS par des oméga-6 conduit à une tendance, non significative, à l’augmentation du risque de mortalité cardiovasculaire (HR 1,27, p=0 ,07).
Selon les auteurs, les bénéfices d’une substitution des AGS par des oméga-6 ne sont donc pas établis et ceci devrait être pris en compte dans les recommandations diététiques futures. Par quel
mécanisme les oméga-6 seraient-ils plus délétères ? Ce sont les acides gras les plus abondants des LDL et de surcroit facilement oxydables, favorisant ainsi la formation de la plaque
d’athérosclérose.
Malgré certains biais méthodologiques évidents concernant surtout le groupe oméga-6 (diminution de la consommation d’acides gras mono-insaturés, augmentation de celle des acides gras
trans issus de la margarine de carthame, pas d’évaluation objective de l’observance ...) cette étude nous rappelle qu’aucune graisse alimentaire (omega-6, omega-3, ou mono-insaturée) n’a
d’effet thérapeutique dans les MCV.
Substituer la viande ou la charcuterie par du poisson gras 2 à 3 fois par semaine reste le moyen le plus pratique pour équilibrer ses apports en acides gras sans se poser trop de questions !
Dr Rodi Courie
Ramsden CE et coll. : Use of dietary linoleic acid for secondary prevention of coronary heart disease and death: evaluation of recovered data from the Sydney Diet Heart Study and updated
meta-analysis. BMJ. 2013 Feb 4;346:e8707. doi: 10.1136/bmj.e8707.